18
L’essor de la foi

 

 

Lorsque je vais au restaurant avec George, je me garde bien de régler l’addition avec une carte de crédit. Je m’arrange toujours pour payer en liquide car cela permet à George de se livrer à l’aimable pratique qui consiste à rafler la monnaie. Évidemment, je fais en sorte que le numéraire en question ne soit pas excessif, et je laisse un pourboire en plus.

Nous avions déjeuné, cette fois-là, au Boathouse, et nous revenions à pied par Central Park. C’était une belle journée, un petit peu chaude peut-être, et nous fîmes une halte sur un banc à l’ombre.

George observait un oiseau perché sur une branche ; l’animal s’agita un moment en pépiant, comme font les oiseaux, puis il prit son envol.

— Lorsque j’étais petit, fit George en le suivant du regard, l’idée que ces animaux pouvaient filer dans l’air comme une flèche et pas moi me rendait littéralement fou.

— Je pense que tous les enfants aimeraient pouvoir s’envoler comme ça, dis-je. Et pas seulement les enfants : les adultes aussi. Cela dit, les êtres humains arrivent tout de même à voler, et ils vont plus vite et plus loin que n’importe quel oiseau. Regardez les avions qui tournent autour de la Terre pendant neuf jours, sans se poser, sans se ravitailler ; aucun oiseau n’en serait capable.

— Mais quel oiseau aurait envie de ça ? répondit George d’un ton méprisant. Ce n’est pas voler que de poser ses fesses dans une machine à voler, ou de rester suspendu au bout d’un paquet de ficelles ; ce ne sont là que des compromis technologiques. Je veux parler d’avoir le contrôle de la situation : battre doucement des bras, s’élever et évoluer à son gré.

— Vous voulez dire se libérer de la gravité terrestre, soupirai-je. J’en ai jadis rêvé, George. J’ai rêvé, une fois, que je pouvais m’élancer dans l’air et m’y maintenir grâce à d’imperceptibles mouvements des bras, puis redescendre doucement et me poser avec légèreté. Je savais que c’était impossible, bien sûr, et j’en ai donc déduit que je rêvais. Mais ensuite, dans mon rêve, j’ai eu l’impression de me réveiller et de me retrouver dans mon lit. Je me suis levé, et là, je me suis aperçu que je pouvais encore évoluer librement dans l’air. Je croyais à ce moment-là être vraiment éveillé, et il me semblait que j’étais véritablement capable de voler. C’est alors que je me suis réveillé pour de bon et que j’ai compris que j’étais toujours prisonnier de la gravité. Oh, je ne pourrais pas vous décrire le sentiment de frustration que j’éprouvai alors, cette impression désespérante d’avoir perdu quelque chose d’irréparable… Il me fallut plusieurs jours pour m’en remettre.

L’inévitable se produisit. George dit :

— J’ai vu pire.

— Vraiment ? Vous avez fait ce même rêve, mais plus fort et plus intense, c’est cela ?

— Mais qui vous parle de rêve ! Je n’ai cure de vos rêves. Je laisse ça aux gratte-papier amateurs de votre genre. Je parle de la réalité.

— Vous voulez dire que vous avez vraiment volé pour de bon ? Dois-je croire que vous vous trouviez dans un vaisseau spatial en orbite autour de notre globe ?

— Pas de vaisseau spatial. Là, sur cette bonne vieille Terre. Et il ne s’agit pas de moi mais de mon ami, Baldur Anderson.

— Mais je suppose que je ferais aussi bien de vous raconter toute l’histoire…

 

La plupart de mes amis (c’est George qui parle) sont des intellectuels et des gens très cultivés, comme ce que vous croyez sans doute être vous-même ; mais pas Baldur. Il était chauffeur de taxi et n’avait sûrement pas beaucoup usé ses fonds de culotte sur les bancs de l’école. Il professait néanmoins le plus profond respect pour la science, et nous avons passé plus d’une soirée dans notre pub favori, à boire de la bière en parlant du big bang, des lois de la thermodynamique, du génie génétique et de ce genre de choses. Il tenait absolument à m’exprimer sa profonde reconnaissance pour les éclaircissements que je pouvais lui apporter sur les arcanes de ces sujets, et il finissait toujours par régler l’addition, en dépit de mes objurgations – car vous pensez si je protestais.

Il n’y avait qu’un aspect déplaisant dans sa personnalité : c’était un indécrottable mécréant. Non pas l’un de vos philosophes incrédules qui, ayant choisi de rejeter un aspect particulier du surnaturel, adhèrent à une organisation humaniste séculière et prennent la précaution de ne s’exprimer que par le biais d’articles écrits dans un jargon incompréhensible, publiés dans des bulletins que nul ne lira jamais. Au fond, ça ne fait de mal à personne.

Non. Baldur était ce que l’on aurait jadis appelé l’athée du village. Au pub, il échangeait des propos diaprés avec des individus aussi ignorants de ces questions que lui-même, et je puis vous dire qu’il ne s’agissait pas d’un remake de la Critique de la raison pure. Le ton montait, l’invective volait bas, et les épithètes fruitées fusaient dans tous les sens. La controverse typique évoluait de la façon suivante :

— Eh ben, puisque t’es si malin, crétin congénital, disait Baldur, explique-moi un peu où Caïn a trouvé sa femme ?

— C’est pas tes oignons, fleur-de-nave, répondait l’adversaire.

— Hein, puisque Ève était la seule femme vivante à l’époque, d’après la Bible, poursuivait la fleur-de-nave. – Et comment qu’tu le sais, minable ?

— C’est dans la Bible, bougre d’ébahi.

— Sûrement pas. Montre-moi où y’a d’écrit : « À l’époque, Ève était la seule dame à la surface de la Terre. »

— C’est implicite.

— Implicite, ha ! Et mon cul, il est implicite, mon cul ? – Ah ouais, c’est comme ça que tu le prends ?

— Ouais !…

Et les horions ne tardaient pas à pleuvoir. Je tentais de raisonner Baldur pendant les moments d’accalmie.

— Enfin, Baldur, lui disais-je, vous ne devriez pas aborder ces problèmes de foi. Ça ne règle rien ; ça ne fait que vous attirer des désagréments.

— On est en république, répondait Baldur d’un ton belliqueux, et c’est mon droit constitutionnel de ne pas donner dans toutes ces conneries et de le faire savoir.

— Évidemment, mais un de ces jours, l’un des consommateurs de boissons alcoolisées réunis en ces lieux pourrait vous coller un ramponneau entre les deux yeux avant d’avoir réfléchi à la Constitution.

— Ces types-là sont censés tendre l’autre joue. C’est dans la Bible. Y’a écrit : « Quand on vous fait mal, n’en faites pas toute une timbale. Laissez faire. »

— Ils pourraient ne pas s’en souvenir.

— Et alors ? Je sais me défendre.

Je n’en doutais pas. C’était une vraie baraque, avec plein de muscles partout, un nez qui avait dû essuyer plus d’un coup de tabac, et des poings qui donnaient l’impression d’avoir fréquemment réparé ce genre de forfait.

— J’en suis persuadé, disais-je, mais dans ces débats sur la religion, vous vous retrouvez en général seul contre plusieurs belligérants. Qu’une douzaine d’individus se mettent d’accord, et vous pourriez vous retrouver titulaire d’une bouillie sanguinolente en lieu et place de visage. D’ailleurs, ajoutais-je, imaginez que vous l’emportiez dans une discussion portant sur une question religieuse et que vous parveniez à convaincre l’un des membres de l’honorable assistance. Vous n’avez jamais pensé qu’il se pourrait que vous fassiez perdre la foi à un croyant ? Vous pensez vraiment devoir prendre le risque de causer un tel préjudice à quelqu’un ?

Baldur se troublait alors, car il avait bon cœur au fond.

— Je ne fais jamais de remarques sur les points vraiment faibles de la religion, disait-il. Je parle de Caïn et de ce Jonas, qu’à sûrement jamais été foutu de passer trois jours dans sa baleine, et de ces histoires de marcher sur l’eau. Je ne dis jamais rien de vraiment moche. Je n’ai jamais rien dit contre le Père Noël, par exemple, hein ? Écoutez, même, une fois, j’ai entendu un type dire tout fort que le Père Noël n’avait que huit rennes, et que Rudolph, le petit renne au nez rouge, n’existait pas, et qu’il avait jamais tiré ce traîneau. J’ai dit : « Vous voulez que tous les petits enfants soient malheureux ? » et je lui en ai flanqué dix livres avec os en plein dans le nez. Et je ne permettrais jamais à personne de dire quoi que ce soit contre Frosty, le Bonhomme Hiver, non plus.

Une telle sensibilité vous allait droit au cœur, bien sûr.

— Comment en êtes-vous arrivé là, Baldur ? lui demandai-je un jour. Qu’est-ce qui a pu faire de vous un incroyant aussi enragé ?

— Les anges, répondit-il en fronçant les sourcils sur un regard sombre.

— Les anges ?

— Ouais. Quand j’étais petit, j’ai vu des images d’anges. Vous avez déjà vu des images avec des anges ?

— Oui, évidemment.

— Ils ont des ailes. Ils ont des bras, des jambes, et ils ont de grandes ailes sur le dos. Je lisais des livres de sciences quand j’étais petit, et dans ces livres, il y avait marqué que tous les animaux qui avaient une colonne vertébrale avaient quatre membres. Ils pouvaient avoir quatre nageoires, quatre pattes, ou bien deux bras et deux jambes. Il leur arrivait de perdre leurs pattes de derrière, comme les baleines, celles de devant, comme les kiwis, ou toutes les quatre comme les serpents. Mais aucun ne pouvait en avoir plus de quatre. Alors, qu’est-ce que les anges avaient fabriqué pour en avoir six : deux jambes, deux bras et deux ailes ? Ils avaient une colonne vertébrale comme tout le monde, non ? Ce n’étaient pas des insectes ou des machins comme ça, alors ? J’ai demandé à ma mère comment ça se faisait et elle m’a dit de la boucler. Alors je me suis mis à penser à tout un tas de trucs comme ça.

— En fait Baldur, dis-je, il ne faut pas prendre ces représentations au pied de la lettre. Ce sont des ailes symboliques. Elles sont là simplement pour suggérer la vitesse à laquelle les anges sont censés se rendre d’un point à un autre.

— Ah ouais ? fit Baldur. Vous pouvez leur demander quand vous voulez, à ces satanés culs bénis : je vous parie tout ce que vous voulez qu’ils en sont fermement convaincus, que les anges ont des ailes. Ils n’arriveraient jamais à comprendre cette histoire de membres, de toute façon, ces indurés crétins. D’ailleurs, c’est complètement stupide, tout ça. Mais y’a tout de même une chose qui me turlupine ; c’est cette histoire d’anges. Il paraît qu’ils peuvent voler, alors comment ça se fait que moi j’y arrive pas ? C’est pas juste.

Il avança sa lèvre inférieure et je crus un moment qu’il allait se mettre à pleurer. Mon cœur tendre se fendit instantanément en deux par le milieu, et je formulai des paroles réconfortantes.

— Si vous allez par là, Baldur, dis-je, lorsque vous mourrez et que vous monterez au ciel, vous aurez de jolies ailes, une belle auréole et une harpe, et vous pourrez voler, vous aussi.

— Vous n'allez pas me dire que vous croyez à toutes ces conneries, George ?

— Eh bien, par exactement. Et pourtant, ce serait si réconfortant. Pourquoi n’essayez-vous pas d’y croire ?

— Sûrement pas. C’est antiscientifique. Toute ma vie, j’ai rêvé que je volais personnellement, rien qu’avec mes deux bras, et je me dis qu’il doit bien y avoir un moyen scientifique d’arriver à voler tout seul, ici-bas, sur Terre.

Je voulais vraiment le consoler, et, allez savoir, j’en avais peut-être aussi un tout petit coup dans l’aile – la contagion ? En tout cas je ne trouvai rien de mieux à lui dire que :

— Je suis sûr qu’il y a un moyen.

Il braqua sur moi une prunelle sévère et quelque peu injectée de sang.

— Vous vous fichez de moi ? dit-il. Vous oseriez vous moquer d’un honnête rêve d’enfant ?

— Oh non, non, non, m’empressai-je (songeant tout à coup qu’il avait peut-être éclusé une douzaine de verres de plus qu’il n’aurait dû, et que son poing droit se tortillait d’une façon très désagréable). Comment pouvez-vous croire un instant que je me moquerais d’un honnête rêve d’enfant ? Ou même d’une brave obsession d’adulte ? Il se trouve simplement que je connais un… un chercheur qui connaît un moyen.

Mais il semblait toujours animé d’intentions belliqueuses à l’égard de mon individu.

— Demandez-lui un peu ce qu’il en pense, fit-il, et tenez-moi au courant. J’aime pas beaucoup qu’on se moque de moi. C’est pas gentil. Je me moque de vous, moi ? J’ai dit que vous payiez jamais l’addition, moi ? Hein ?

Là, nous nous aventurions en terrain miné.

— Je vais consulter mon ami, me hâtai-je de répondre. Ne vous en faites pas. Je m’occupe de tout ; j’ai la situation bien en main.

J’avais intérêt, dans l’ensemble. Je ne tenais pas à fermer le robinet à boissons gratuites, et j’avais encore moins envie d’être l’unique objet du ressentiment de Baldur. Pour cet esprit frappeur, les exhortations bibliques prônant l’amour de ses ennemis, les appels à pardonner à celui qui vous a offensé et autres incitations à rendre le bien pour le mal restaient lettre morte. Baldur croyait à la vertu du marron dans l’œil.

Je consultai donc mon ami d’un autre monde, Azazel. Je ne sais plus si je vous ai parlé de… ? Ah oui ? Bon, eh bien, je fis donc appel à lui.

Azazel était, comme à l’habitude, de très mauvaise humeur lorsque je le fis venir.

Il tenait sa queue braquée selon un angle inhabituel, et lorsque je fis allusion à la chose, il explosa en une série d’imprécations virulentes sur un rythme kalaschnikovien à propos de mes ancêtres – sujet auquel il ne pouvait rigoureusement rien connaître.

J’en déduisis qu’on lui avait accidentellement marché dessus. C’est un être minuscule ; il fait peut-être deux centimètres de haut, de la base de la queue au sommet du crâne, et, même dans son propre monde, je le soupçonne fortement d’être foulé aux pieds en permanence. Dans ce cas précis, il venait certainement de se faire piétiner, et l’humiliation d’avoir été trop petit pour qu’on le remarque le plongeait dans un état de rage frénétique.

— Si seulement tu pouvais voler, ô Toi que l’univers nous envie, dis-je d’une voix dulcifiante, tu ne serais pas à la merci des rustres parmi les rustres…

Cela eut le don de le divertir quelque peu. Il se répéta la fin de ma phrase à mi-voix, comme s’il tentait de la mémoriser en vue d’une exploitation personnelle ultérieure, puis il dit :

— Mais je peux voler, ô Immonde Masse de Chair Indigne, et j’aurais pris mon envol si je m’étais donné la peine de remarquer la présence de l’individu abject et méprisable qui, dans sa maladresse, m’est tombé dessus. Bon, et pour toi, qu’est-ce que ça sera, cette fois ?

Ce fut exprimé sur un ton passablement hargneux, auquel la hauteur de sa voix conférait des allures de susurration de moustique.

— Tu veux donc voler, ô Suprême Exaltation, dis-je d’une voix plus sucrée qu’un rahat-loukoum. Mais il y a sur mon monde des êtres qui n’en sont pas capables.

— Il n’y a personne de ton monde qui en soit capable, tu veux dire. Vous n’êtes tous, sans exception, que des enflures bouffies et boursouflées, plus maladroites que des shalidraconiconias. Si tu connaissais quelque chose aux principes élémentaires de l’aérodynamique, misérable insecte, tu saurais que…

— Je m’incline devant tes connaissances supérieures, Sage entre les Sages, mais il m’est venu à l’esprit que tu pourrais peut-être produire un peu d’antigravité…

— De l’antigravité ? Tu sais ce que…

— Ô Incommensurable Intelligence, dis-je, puis-je me permettre de te rappeler que tu l’as déjà fait[8] ?

— Ah, mais dans ce cas, pour autant que je m’en souvienne, il ne s’agissait que d’un traitement superficiel, répondit Azazel. Juste suffisant pour permettre à un individu de se déplacer à la crête des masses d’eau solidifiée que vous avez sur ton horrible monde. Or ce que tu demandes cette fois, si j’ai bien compris, c’est un traitement beaucoup plus complet.

— Oui. J’ai un ami qui voudrait voler.

Tu as vraiment des drôles d’amis.

Il s’assit sur son appendice caudal, comme il faisait souvent lorsqu’il avait envie de réfléchir, et, évidemment, il se releva instantanément avec – toutes proportions gardées – un cri de cochon dont l’extrémité en question se serait prise dans une barrière. Il avait oublié que la sienne était passablement endolorie.

Je lui soufflai sur la queue, ce qui sembla arranger un peu les choses, et eut en tout cas le mérite de l’amadouer considérablement.

— Je pourrais te procurer un extrapolateur de gravité, dit-il. Mais il faudrait en outre obtenir le concours du système nerveux périphérique de ton ami. Si tant est qu’il en ait un.

— Je crois que oui. Mais comment parviendra-t-il à cette coordination ?

— Je pense qu’on pourrait résumer ça en un mot, répondit Azazel après une hésitation. En gros, il faudrait qu’il croit qu’il peut voler.

J’allais voir Baldur deux jours plus tard, dans ses modestes quartiers.

— Et voilà, dis-je sobrement en lui tendant le dispositif.

Ce n’était pas un appareil de dimensions importantes. Il avait la taille et la forme d’une noix, et en le portant à son oreille, on entendait un bourdonnement assourdi. Je ne saurais dire à quelle énergie il fonctionnait, mais Azazel m’avait assuré qu’il ne tomberait jamais en panne.

Il m’avait expliqué en outre qu’il fallait qu’il soit en contact avec la peau de celui qui avait envie de s’envoyer en l’air, si vous voulez bien me passez l’expression, aussi l’avais-je fait monter au bout d’une chaîne, comme un pendentif.

— Voilà, répétai-je comme Baldur reculait d’un air méfiant. Passez cette chaîne autour de votre cou et portez-le sous votre chemise. Sous votre tee-shirt aussi, si vous en portez un.

— Qu’est-ce que c’est que ce truc-là, George ? s’enquit-il.

— C’est un extrapolateur de gravité, Baldur. Le dernier cri de la technique. Très scientifique et extrêmement secret. Il ne faut jamais en parler à qui que ce soit. Jamais.

— Vous êtes sûr ? (Il tendit la main.) C’est votre ami qui vous a donné ça ?

— Mettez-le, dis-je en hochant la tête.

En hésitant, il passa la chaîne par-dessus sa tête, et, après quelques paroles d’encouragement, ouvrit sa chemise, fit glisser la chose sous un maillot de corps et se reboutonna.

— Et maintenant ? fit-il.

— Maintenant battez des bras et vous allez voler.

Il agita les bras, mais il ne se passa rien. Ses sourcils se mirent à faire deux bosses disgracieuses au-dessus de ses petits yeux.

— Vous vous payez ma fiole, je crois ?

— Absolument pas. Il faut que vous croyiez que vous allez voler. Vous n’avez jamais vu Peter Pan, le dessin animé de Walt Disney ? Répétez-vous : « Je peux voler, je peux voler, je peux voler. »

— Ils avaient un genre de poussière avec laquelle ils se saupoudraient.

— Ce n’est pas scientifique, ça. Ce que vous portez l’est beaucoup plus. Dites-vous que vous pouvez voler.

Baldur me gratifia d’un long regard ébénoïde et je dois avouer que, bien qu’étant doté du courage propre au grand mammifère carnivore que vous savez, je commençai à éprouver une légère inquiétude.

— Il se peut que cela prenne un peu de temps, Baldur. Il faut que vous appreniez à vous en servir.

Il me regardait d’un air aussi inamical que possible, mais il agita vigoureusement les bras en disant : « Je peux voler, je peux voler, je peux voler. » En pure perte.

— Sautez ! conseillai-je. Prenez un peu d’élan.

Je me demandais non sans inquiétude si Azazel savait vraiment ce qu’il faisait, cette fois-ci.

Baldur fit un bond sur place sans me quitter des yeux, et sans cesser de battre des bras. Il s’éleva dans l’air d’un bon pied et y resta le temps que je compte jusqu’à trois, puis il redescendit.

— Hé, dit-il d’un ton éloquent.

— Hé, répondis-je avec une surprise considérable.

— C’est comme si j’avais plané, là.

— Très gracieusement, qui plus est, fis-je.

— Ouais. Hé, je peux voler. Essayons encore une fois.

Ce qu’il fit, et ses cheveux laissèrent une tache graisseuse des plus disgracieuses à l’endroit où il heurta le plafond. Il redescendit en se frottant le crâne.

— Vous ne pouvez pas vous élever de plus d’un mètre vingt, ici, vous savez ?

— À l’intérieur. Mais dehors…

— Vous êtes fou ? Vous ne voulez pas que l’on sache que vous pouvez voler ! On vous prendrait votre extrapolateur de gravité pour l’étudier, et vous ne pourriez plus jamais voler. Mon ami est le seul à savoir de quoi il s’agit, et c’est affreusement secret.

— Alors, qu’est-ce que je peux faire ?

— Amusez-vous à voler dans la chambre.

— Ce n’est pas beaucoup.

— Pas beaucoup ? Et combien pouviez-vous voler, il y a seulement cinq minutes ?

Il ne pouvait que se laisser convaincre par ma logique foudroyante, comme toujours.

Je dois admettre qu’à le voir évoluer librement et gracieusement, même dans les strictes limites de ce salon plutôt exigu et qui ne sentait pas le géranium rose, j’éprouvai une irrépressible envie d’essayer moi-même. Mais je n’étais pas certain qu’il me prêterait son extrapolateur de gravité, et, de toute façon, je doutais fort qu’il marche pour moi.

Azazel refuse obstinément de faire quoi que ce soit pour moi directement, au nom d’une prétendue éthique professionnelle. Ses dons, ainsi qu’il les qualifie stupidement, ne peuvent profiter qu’aux autres. Mais à défaut de pouvoir changer sa façon de penser, mon plus cher désir serait que les autres révisent la leur ; or je n’ai jamais réussi à convaincre les bénéficiaires de mes munificences de contribuer notablement à mon enrichissement personnel.

Baldur finit par laisser tomber sa carcasse dans un fauteuil, et, d’un petit ton suffisant, la phrase suivante :

— Vous voulez dire que je peux voler parce que j’y crois ? Eh oui. Exactement. C’est l’essor de la foi.

Je n’étais pas mécontent de cette formule, mais Baldur est ce que j’appellerais un daltonien de l’esprit : il est sourd aux subtilités.

— Ben alors, George, fit-il, il vaut autrement mieux croire à la science qu’au ciel et à tout ce fatras d’anges et d’ailes.

— Ça, c’est sûr, répondis-je. Et si nous faisions une petite escale gastronomique, le temps de refaire le plein de boisson, surtout ?

— Tu parles, dit-il.

Et nous passâmes une excellente soirée.

 

Seulement voilà… Je ne saurais dire pourquoi, les choses ne semblaient pas si bien marcher – si j’ose dire – que ça. Une indéfectible mélancolie avait jeté son ombre sur Baldur, qui abandonna ses anciens repaires pour hanter de nouveaux abreuvoirs.

Ça m’était égal. Le standing des nouveaux endroits était un poil au-dessus des précédents, et ils produisaient habituellement des martinis dry irréprochables. Mais je me posais des questions… et les lui posai à lui.

— Je ne peux plus discuter avec ces abrutis, me dit-il d’un ton sinistre. Je meurs d’envie de leur dire que je peux voler comme un ange, pour voir s’ils vont se mettre à m’idolâtrer. Mais est-ce qu’ils me croiraient seulement ? Ils croient dur comme fer à toutes ces conneries de serpents qui parlent et de gonzesses qui se changent en statues de sel… des contes de fées, tout ça. Mais moi, ils me croiraient jamais. Pour rien au monde. Alors je préfère les éviter. Même la Bible dit : « Évite la compagnie des crétins et ne t’assieds pas sur le fauteuil de l’abjection. »

Et périodiquement il explosait :

— Je ne peux plus me contenter de faire ça dans mon appartement. Il n’y a pas assez de place. Je n’ai pas l’impression de voler. J’ai envie de monter dans le ciel et de décrire des évolutions. Il faut que je m’éclate en plein air.

— On vous verra.

— Je volerai donc la nuit.

— Et c’est pour le coup que vous illustrerez l’expression « voler en éclats », car vous vous écraserez inévitablement sur une colline.

— Pas si je monte vraiment haut.

— Et que verrez-vous de nuit ? Autant vous contenter de voler dans votre chambre.

— Je trouverai, dit-il, un endroit où il n’y a personne. – Où n’y a-t-il personne, de nos jours ?

Je finissais toujours par avoir gain de cause, grâce à ma logique irréfutable, mais je voyais bien qu’il était de moins en moins heureux, et pour finir, il disparut de la circulation quelques jours. Il n’était pas chez lui, et au garage des taxis qui lui servait de quartier général, on me dit qu’il avait deux semaines de congé à prendre et qu’il était parti en vacances mais que, non, ils ne savaient pas où il était allé. Ce n’était pas que son hospitalité me manquât – du moins ne son-geais-je pas exclusivement à cela – mais j’étais ennuyé à l’idée de toutes les bêtises qu’il pouvait faire, livré à lui-même avec ces folles idées de planer à l’air libre en tête.

J’eus le fin mot de l’histoire lorsqu’il regagna ses pénates. Il me téléphona d’une voix brisée que j’eus peine à reconnaître, pour me dire qu’il avait terriblement besoin de moi. Évidemment, j’accourus aussitôt.

Je le trouvai assis dans sa chambre, l’air très abattu.

— Je n’aurais jamais dû faire ça, George, dit-il, la mort dans l’âme.

— Faire quoi, Baldur ?

Alors il vida son sac.

— Vous vous rappelez ? Je vous avais dit que je voulais trouver un endroit sans personne.

— Oui, je me souviens.

— Alors j’ai eu une idée. J’ai pris quelques jours de congé à un moment où la météo annonçait du beau temps, et j’ai loué un avion. Je suis allé à un de ces petits aéroclubs où on peut payer pour faire un tour ; comme avec un taxi, sauf que ça vole.

— Je connais, dis-je.

— J’ai dit au pilote de quitter la banlieue et de faire un tour dans la cambrousse. Je lui ai dit que je voulais voir le paysage. Mon idée, c’était de repérer des coins vraiment déserts, et quand j’en aurais trouvé un, je lui aurais demandé où on était, et je serais revenu le week-end, pour voler comme toute ma vie j’avais rêvé de le faire.

— Mais, Baldur, on ne peut se rendre compte de rien, de là-haut. Un endroit peut avoir l’air désert vu du ciel, et se révéler en réalité grouillant de gens.

— C’est maintenant que vous le dites, fit-il d’un ton amer, et il secoua longuement la tête avant de reprendre. C’était un de ces vieux avions comme on en faisait dans le temps, avec un cockpit ouvert et un siège pour le passager, derrière le pilote. Comme je me penchais pas mal pour voir par terre s’il y avait des autoroutes, des voitures et des fermes, j’ai enlevé ma ceinture de sécurité pour mieux regarder. Je veux dire, après tout, je peux voler, non ? Alors j’avais pas peur de me trouver en l’air. Sauf que j’étais plutôt pas mal penché, mais le pilote le savait pas, alors il a négocié un virage sur l’aile, et l’avion s’est incliné du côté où j’étais penché, et avant d’avoir eu le temps de dire « bougri ! », je suis tombé. J’ai même pas pu me cramponner.

— Funérailles, dis-je.

Il attrapa une boîte de bière posée à côté de lui. Eh bien, une pompe aspirante, actionnée par un moteur de cent vingt chevaux, ne l’aurait pas asséché plus vite ni plus formellement. Il s’essuya la bouche du dos de la main et reprit :

— George, vous êtes déjà tombé d’un avion sans parachute ?

— Non, répondis-je. Maintenant que vous m’y faites penser, je ne crois pas que ça me soit jamais arrivé.

— Bon, vous devriez essayer une fois, fit Baldur. Ça fait vraiment drôle. Je m’étais fait avoir par surprise. J’ai mis un moment à comprendre ce qui m’arrivait. Y’avait de l’air partout, tout autour, et le sol tournait dans tous les sens en se rapprochant, et il m’est passé par-dessus la tête, en tourbillonnant de plus belle, et je n’arrêtais pas de me demander : “Qu’est-ce qui peut bien se passer ?” Et puis au bout d’un moment, j’ai senti le vent qui soufflait de plus en plus fort, sauf que je n’arrivais pas à voir dans quelle direction au juste, et puis ça m’a fait comme une explosion dans la tête : j’étais en train de tomber. Je me suis juste dit comme ça à moi-même : “Hé, je suis en train de dégringoler.” Et quand je me suis dit ça, tout de suite après, j’ai vu que c’était vrai, mais le sol avait l’air d’être tout en bas là-bas, et je descendais rudement vite, alors je me suis dit que j’allais m’écraser, et je me suis mis les mains devant les yeux en me disant que ça n’allait pas me faire du bien.

» Vous allez pas me croire, George, mais pendant tout ce temps-là, j’ai pas pensé une seconde que je pouvais voler. J’étais trop surpris. J’ai bien failli me tuer. C’est quand j’étais presque arrivé au sol que je m’en suis souvenu. Je me suis dit en moi-même : “Je peux voler ! Je peux voler !” Ça m’a fait comme si je glissais dans l’air, comme si l’air était devenu un gros élastique attaché à moi par en haut, et qui m’aurait empêché de tomber, alors j’ai ralenti, j’ai ralenti, et quand je me suis retrouvé au niveau de la cime des arbres, j’allais vraiment très doucement et je me suis dit : “Ça serait peut-être le moment d’essayer de faire des évolutions.” Mais j’étais comme qui dirait fatigué, et il n’y aurait plus loin à aller, alors je me suis redressé, j’ai encore ralenti et je me suis posé sur mes pieds avec à peine une toute petite, petite secousse.

» Eh ben, George, vous avez raison, évidemment. Tout avait l’air désert quand j’étais là-haut, mais quand je me suis posé par terre, il y avait une foule de gens autour de moi, et il y avait un genre d’église avec un clocher, pas loin. J’avais jamais vu tout ça d’en haut, avec les arbres et tout ce qui s’ensuit.

Baldur ferma les yeux, et il resta comme cela pendant un moment, à respirer lourdement.

— Et que s’est-il passé ensuite, Baldur ? demandai-je enfin.

— Vous ne devinerez jamais, dit-il.

— Je n’ai pas envie de jouer aux devinettes. Dites-moi ce qui s’est passé, c’est tout.

Il rouvrit les yeux.

— Ils étaient tous sortis de l’église, une vraie église pleine de gens qui croyaient à la Bible, et il y en a un qui est tombé à genoux et il a levé les mains en se mettant à Hurler : “Un miracle ! Un miracle !” Et tous les autres se sont mis à faire comme lui. On n’a jamais entendu un boucan pareil. Et il y a un bonhomme qui s’est avancé, un petit bonhomme rond et court sur pattes qui a dit : “Je suis docteur. Racontez-moi ce qui s’est passé.” Je ne savais pas quoi lui dire. Je veux dire, comment vouliez-vous que je lui explique que j’étais tombé du ciel ? Ils allaient se mettre à bramer que j’étais un ange. Alors je lui ai dit la vérité. Je lui ai dit : Je suis accidentellement tombé en avion. Et ils se sont tous remis à beugler : “Un miracle !”

» Le docteur a demandé : “Mais vous n’aviez pas de parachute ?” Comment vouliez-vous que je lui dise que j’en avais un alors qu’y en avait nulle part aux alentours ? Alors j’ai répondu : “Non”, et il a dit : On vous a vu tomber, et ralentir, et puis vous poser en douceur. “Et un autre gars – j’ai su après que c’était le pasteur de l’église – a dit avec un genre de voix profonde : C’est la main de Dieu qui l’a retenu.”

» Bon, je pouvais pas laisser passer ça, hein, alors j’ai dit : “C’était pas ça du tout ; c’est un extrapolateur de gravité que j’ai.” Et le docteur a dit : “Un quoi ?” J’ai répété : “Un machin antigravité.” Et il s’est mis à rigoler et il m’a dit : “Si j’étais vous, je m’en tiendrais à la main de Dieu”, comme si j’avais dit une blague.

» Mais entre-temps, le pilote avait posé son avion, et il était arrivé, blanc comme un linge, et il n’arrêtait pas de dire : “C’est pas de ma faute, ce foutu imbécile avait défait sa ceinture de sécurité”, et quand il m’a vu debout là, c’est tout juste s’il ne s’est pas trouvé mal. Il a dit : “Comment vous êtes arrivé là, vous ? Vous aviez pas de parachute.” Et tout le monde s’est mis à chanter un genre de cantique ou un truc comme ça, et le prêtre a pris la main du pilote et lui a dit que c’était la main de Dieu, et que j’avais été sauvé parce que j’étais destiné à faire de grandes choses en ce bas monde, et comment tous les fidèles qui étaient présents ce jour-là étaient maintenant plus sûrs que jamais que Dieu était sur son trône et qu’il s’évertuait comme un beau diable à faire tout le bien qu’il pouvait et ce genre de trucs.

» Il m’a même fait réfléchir : je veux dire, est-ce que j’avais été sauvé pour quelque chose de grand ? Et puis les journalistes sont arrivés, et d’autres docteurs – je ne sais pas qui les avait appelés, ceux-là – et on m’a posé tellement de questions que j’ai bien cru que j’allais devenir maboul, mais les docteurs les ont arrêtés, et on m’a emmené à l’hôpital pour des examens.

— On vous a vraiment amené à l’hôpital ? demandai-je, sidéré.

Ils m’ont pas lâché la grappe une seconde. Le journal du coin a fait ses gros titres sur moi, et un savant est venu de Rutgers ou de je sais pas où et il n’a pas arrêté de me poser des questions là-dessus. J’ai dit que j’avais ce truc antigravité et il s’est mis à rire. J’ai dit : “Alors, vous croyez que c’est un miracle ? Vous ? Un savant ?” et il a répondu :

— “Y a des savants qui croient en Dieu, mais aucun qui croit à l’antigravité.” Et puis il a dit : “Mais montrez-moi comment ça marche, Mr. Anderson, et je changerai peut-être d’avis.” Et, évidemment, j’ai pas réussi à le faire marcher, et j’y arrive toujours pas.

À ma grande horreur, Baldur se couvrit le visage de ses deux mains et commença à pleurer.

— Reprenez-vous, Baldur, dis-je. Ça doit marcher.

— Non, répondit-il d’une voix étouffée, en secouant la tête avec vigueur. Ça ne marche plus. Pour que ça marche, il faudrait que j’y croie, et j’y crois plus. Tout le monde dit que c’était un miracle. Personne ne croit à l’antigravité. Ils font rien qu’à me rire au nez, avec ça. Le savant a dit que c’était un bout de métal avec une source d’énergie, sans commandes ni rien, et que l’antigravité était impossible d’après Einstein, le type à la relativité. J’aurais dû faire comme vous le disiez, George. Maintenant, je pourrai plus jamais voler parce que j’ai perdu la foi. Peut-être qu’il y a jamais eu d’antigravité et que, depuis le début, c’était Dieu qui opérait par votre intermédiaire, allez savoir pourquoi. J’ai perdu la foi et voilà que je me mets à croire en Dieu.

Le pauvre bougre ne devait plus jamais voler. Il me rendit l’extrapolateur que je restituai à Azazel.

Baldur finit par laisser son travail. Il retourna à l’église auprès de laquelle il s’était posé, et il y fait maintenant office de diacre. Ils sont aux petits soins pour lui, parce qu’ils croient que la main de Dieu était sur lui.

 

Je scrutai George de mon regard le plus pénétrant, mais sa physionomie, comme toujours lorsqu’il me parle d’Azazel, arborait un air de candeur ineffable.

— Quand cela s’est-il passé, George ? demandai-je.

— L’année dernière.

— Avec toutes ces histoires de miracle, les journalistes, les gros titres dans la presse et tout ce qui s’ensuit ?

— Absolument.

— Alors, comment expliquez-vous que je n’aie rien vu à ce sujet-là dans le journal ?

George fourra une main dans sa poche et en extirpa les cinq dollars et quatre-vingt-deux cents de monnaie qu’il avait promptement raflés après que j’eus réglé l’addition avec un billet de vingt dollars et un de dix.

— Cinq dollars que je peux tout vous expliquer, dit-il en mettant le billet de côté.

Je n’hésitai pas un instant.

— Cinq dollars que non.

— Vous ne lisez que le New York Times, n’est-ce pas ?

— C’est vrai.

— Bien. Or donc, par égard pour ce qu’il considère comme son lectorat d’intellectuels – je ne parle pas de vous le New York Times relègue tous les comptes rendus de miracles en page trente et un, dans un recoin obscur à côté des publicités pour les maillots de bains. D’accord ?

— Peut-être, mais qu’est-ce qui vous permet d’affirmer que je ne l’aurais pas vu, quand bien même il ne se serait agi que d’un entrefilet noyé dans les faits divers ?

— C’est que, fit triomphalement George, tout le monde sait qu’en dehors de quelques manchettes bien juteuses, vous ne lisez rien dans le New York times. Vous ne le parcourez que pour voir si on parle de vous quelque part.

Je réfléchis un instant, puis lui remis l’autre billet de cinq dollars. Il n’y avait pas un mot de vrai là-dedans, mais je savais que c’était probablement l’opinion générale, aussi décidai-je qu’il était inutile d’essayer de discuter.

 

FIN du tome 1.